Pour se rendre compte que la langue ne peut être qu’un système de valeurs pures, il suffit de considérer les deux éléments qui entrent en jeu dans son fonctionnement: les idées et les sons.
Psychologiquement, abstraction faite de son expression par les mots, notre pensée n’est qu’une masse amorphe et indistincte.
Il n’y a pas d’idées préétablies, et rien n’est distinct avant l’apparition de la langue.
les sons offriraient-ils par eux-mêmes des entités circonscrites d’avance ? Pas davantage. La substance phonique n’est pas plus fixe ni plus rigide ; ce n’est pas un moule dont la pensée doive nécessairement épouser les formes, mais une matière plastique qui se divise à son tour en parties distinctes pour fournir les signifiants dont la pensée a besoin.
La pensée, chaotique de sa nature, est forcée de se préciser en se décomposant. Il n’y a donc ni matérialisation des pensées, ni spiritualisation des sons, mais il s’agit de ce fait en quelque sorte mystérieux, que la « pensée-son » implique des divisions et que la langue élabore ses unités en se constituant entre deux masses amorphes.